Société

Procès du clan Bongo : le ministère public requiert vingt ans de prison et la confiscation des biens

Le procès de l’ex-première dame Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Noureddin Bongo Valentin s’est poursuivi mardi 11 novembre 2025 au Palais de justice de Libreville. Jugés par contumace, les deux principaux accusés font face à un réquisitoire d’une rigueur rarement observée dans l’histoire judiciaire gabonaise. Le parquet a requis vingt ans de prison ferme, cent millions de francs CFA d’amende chacun, ainsi que la confiscation intégrale de leurs avoirs, qu’ils soient bancaires, mobiliers ou immobiliers. Le verdict est attendu autour du 14 novembre.

Depuis deux jours, le Palais de justice de Libreville se transforme en scène d’examen minutieux d’un système de pouvoir accusé d’avoir mêlé les finances publiques aux intérêts personnels. Dans une salle pleine à craquer, la succession de témoignages et la voix grave du procureur donnent au procès une dimension à la fois judiciaire et morale.

Le procureur général près la Cour d’appel de Libreville, Eddy Narcisse Minang, a livré un réquisitoire qualifié de « saisissant ». Il accuse Sylvia Bongo et son fils d’avoir « détourné la fonction présidentielle à des fins privées » après l’AVC du président Ali Bongo Ondimba en 2018. Le magistrat a insisté sur « un duo culturellement déconnecté du pays, mais intimement lié à ses ressources ». Selon lui, l’ancienne première dame aurait reçu plus de 16 milliards de francs CFA du Trésor public pour ses dépenses personnelles, tandis que des fonds d’État auraient servi à financer un train de vie somptuaire, marqué par l’acquisition de jets privés et de propriétés de prestige à Londres et Marrakech.

Outre les peines de prison, le ministère public demande la restitution de 4,4 milliards de francs CFA au Trésor, considérant que ces montants proviennent directement des caisses publiques.

Témoignages accablants

Deux anciens proches de la famille Bongo ont livré des récits jugés décisifs pour l’accusation. Le premier, Kim Oun, ex-assistant personnel et homme de confiance de Sylvia Bongo, a décrit une gestion parallèle des fonds publics, évoquant entre 1,8 et 2,4 milliards de francs CFA dépensés chaque année en vêtements, bijoux, œuvres d’art et autres articles de luxe. Il a également affirmé que la campagne présidentielle de 2023, estimée à 80 milliards de francs CFA, avait été directement financée via des circuits occultes, avec l’achat de cent véhicules sous la supervision de Noureddin Bongo.

Le second témoin, Jordan Camuzet, présenté comme ami d’enfance et intermédiaire financier de Noureddin, a raconté comment ce dernier exerçait un « pouvoir officieux » dès 2018, convoquant des hauts fonctionnaires et contrôlant d’importantes opérations foncières, notamment à Nkok, où un terrain de 110 hectares aurait été cédé pour plusieurs dizaines de milliards de francs CFA.

Ces déclarations, croisées aux documents saisis lors de l’enquête, renforcent l’image d’un système parallèle de gestion du pouvoir et des ressources publiques.

Détournement, corruption et blanchiment

Les chefs d’accusation retenus contre Sylvia et Noureddin Bongo incluent détournement de fonds publics, blanchiment d’argent, corruption active, contrefaçon de sceaux officiels, usurpation de fonctions et association de malfaiteurs. Le parquet estime que la période post-2018 a vu s’installer une véritable « gestion familiale de l’État », où les décisions majeures étaient prises en dehors de toute légitimité institutionnelle.

Les deux accusés nient l’ensemble des faits. Dans leur défense écrite, ils affirment avoir bénéficié de « primes » et de « rémunérations légales », justifiant ainsi l’origine de leurs biens.

Une affaire à portée historique

Au-delà de la question pénale, ce procès cristallise un débat fondamental : celui de la frontière entre fortune privée et richesse publique. Pour de nombreux observateurs, l’enjeu dépasse la condamnation éventuelle de deux figures de l’ancien régime. Il s’agit de savoir si la justice gabonaise est prête à aller au bout d’un processus d’assainissement institutionnel.

Le procès du clan Bongo, premier du genre par son ampleur et la stature des accusés, marque un tournant dans la lutte contre l’impunité. S’il aboutit à une condamnation, il pourrait ouvrir une ère nouvelle dans la gouvernance du pays ; s’il échoue, il risquerait au contraire de conforter le scepticisme d’une population qui attend depuis des décennies que le pouvoir et la justice cessent enfin d’être complices.

In fine, ce procès n’est pas seulement celui d’une famille : il est celui d’un système. Et la décision du tribunal, quelle qu’elle soit, résonnera bien au-delà des murs du Palais de justice de Libreville.

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